« Nous sommes dans un plaidoyer de dialogue plutôt que de confrontation » 

INTERVIEW | Jonas Jaccard, chargé de plaidoyer pour SOS FAIM. L’ONG a participé au Conseil d’avis demandé par Zakia Khattabi sur l’arrêté royal « Export ban ».
Propos recueillis par Manon THOMAS, Célestin OBAMA, Emerence NAÔMÉ, publié le 28 avril 2023, modifié le 2 mai 2023.
Jonas Jaccard, chargé de plaidoyer pour SOS FAIM
Jonas Jaccard, chargé de plaidoyer pour SOS FAIM

Manon THOMAS : Qu’allez-vous faire si vos revendications ne sont pas entendues par le fédéral ?

Jonas JACCARD : Notre plaidoyer a un objectif : cesser ces exportations de pesticides interdits depuis la Belgique. Le cabinet de la ministre Khattabi avec le SPF Économie ont estimé que tous les produits concernés seraient moins de 5% du volume de la production belge. Nous sommes plutôt dans un plaidoyer de dialogue, de négociations plutôt que de confrontation. On reste assez positifs sur cette négociation. On a déjà un soutien de la part de la société civile, puisqu’on a une pétition avec près de 8000 signatures. Le vote de cette loi en Belgique est hyper important pour que la Commission européenne embraye et fasse une proposition.

M.T. : La loi « EGAlim » est pionnière en France avec ses failles. Quelle serait votre analyse pour améliorer le processus quant à l’export ban en Belgique ?

J.J. : Effectivement, il y a des failles [ndlr : les exportations de substances actives sont autorisées et plus les produits finis] qui ont été observées. Malgré les failles du dispositif en France, on a observé entre 2021 et 2022 que les exportations ont été divisées par 4. Même si le dispositif est défaillant, incomplet, imparfait, en tout cas il fonctionne. L’avantage qu’on a : on a appris de nos erreurs avec la première tentative en France. La ministre de l’Environnement [a pris] en compte ces lacunes et donc du coup l’arrêté royal de la ministre est quand même un peu plus complet à ce niveau-là. Les ONG ont fait un travail disons en « sous-marins », elles ont réussi à glisser dans un article de la loi un arrêt d’exportation, ce qui effectivement fait grand bruit au moment donné où la loi a été votée. Les industriels ont bataillé un peu pour faire annuler cet article en argumentant du chantage à l’emploi, tout comme en Belgique, avec 2500 emplois menacés. Quatre organisations françaises ont déposé plainte ou fait un recours devant [la Haute] autorité pour la transparence pour lobby mensonger. Selon Médiapart, les chiffres avancés aurait été grossis. Après 3 ans de bataille, certains arrêts d’exportation ont quand même été votés [ndlr : la loi a été votée le 1/1/2022] et on verra ce qu’il en est pour ce lobby qui est mensonger.

« Les ONG ont fait un travail disons en « sous-marins », elles ont réussi à glisser dans un article de la loi un arrêt d’exportation [en France], ce qui effectivement fait grand bruit quand la loi a été votée. »

Jonas JACCARD

Célestin OBAMA: Qu’est-ce qui explique la dépendance aux pesticides ?

J.J. : C’est une question complexe entretenue par les firmes agrochimiques en faisant croire que l’agriculture ne peut pas se passer de leurs pesticides. C’est l’inverse, elles sont dépendantes de l’agriculture pour assurer leur profit. C’est la technique des cigarettiers, l’industrie tente de décrédibiliser certains scientifiques pour montrer que les recherches sont biaisées. Elle va essayer de publier des recherches alternatives pour montrer que les pesticides sont nécessaires à cette production agricole.

M.T. : Comment allez-vous aider les pays importateurs « clients » des entreprises belges à trouver des alternatives aux pesticides ?

J.J. : C’est important de souligner qu’on ne fait pas de plaidoyer dans des pays partenaires et importateur. On n’est pas dans une logique de substitution de dire : « Bon bah allez, on va vous expliquez comment vous devez élaborer vos politiques publiques et agricoles ». Nous on fait du plaidoyer à destination de la Belgique par rapport à ce que l’on sait : la Belgique exporte des produits qui ont des dommages collatéraux dans des pays du sud (des morts, des empoisonnements chroniques, etc.). Ce qu’on prévoit de faire, ce sont des renforcements de capacités et de stratégies de plaidoyer déjà élaborées, dans des pays où des organisations ont déjà identifié des problèmes liés à certains pesticides pour arriver, par exemple, à obtenir des compromis de la part de leurs gouvernements locaux. Notre partenaire au Pérou est très actif sur le plaidoyer. Depuis les années nonante, ils travaillent sur la question des pesticides pour demander une meilleure prise en compte des risques liés à l’utilisation des pesticides dans leur pays. Notre plaidoyer n’est pas non plus hors sol, il fait écho aussi à des plaidoyers qui existent déjà dans nos pays partenaires.

M.T. : Quels sont les impacts et comment sont-ils mesurés, de l’exposition aux pesticides sur les populations autochtones ?

J.J. : Tout ce qui est dégâts, c’est quand même difficile à comptabiliser. Au niveau mondial, une étude scientifique de 2020 estime à 385 millions d’intoxications annuelles (de travailleurs agricoles, d’agriculteurs, d’agricultrices, etc.) et 11 000 décès par an liés à l’utilisation des pesticides interdits et non-interdits, dont 99% arrivent dans des pays du Sud [ndlr : étude de BIM Public Health]. Pour les produits qui ont été interdits, c’est pour des raisons cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques. Ils sont perturbateurs endocriniens et ils causent des dommages irréversibles avec des doses infimes. Cela donne de l’iniquité. Il y a plein d’exemples qui montrent que les compagnies agrochimiques savent très bien les dommages que provoquent leurs produits […]. Dans le cas du paraquat, un pesticide créé dans les années 50 et qui est utilisé depuis les années 70. Il y a des « Syngenta leaks », des lanceurs d’alertes qui ont lancé sur la gravité de ce produit qui est mortel et la firme l’a caché délibérément. C’est vraiment la stratégie des cigarettiers.

M.T. : Quelles sont les alternatives possibles aux pesticides ?

J.J. : Mes connaissances à ce niveau-là vont forcément être ce qu’elles sont, c’est-à-dire celles d’ un mec blanc qui habite dans une capitale et qui ne peut pas parler pour les agriculteurs et les agricultrices. Ce qui est sûr c’est qu’il y a des alternatives qui existent. Avec nos partenaires avec lesquels on travaille, ils mettent en place des projets et des techniques, par exemple, liées à l’agroécologie. Ce sont plus que des techniques agricoles, c’est tout un concept, je dirais, un mode de vie, une nouvelle façon de concevoir les relations, les échanges marchands, etc. Le problème est l’iniquité des financements entre des multinationales de l’agrochimie par exemple, et des petits producteurs. Ces alternatives-là, elles existent mais il faut juste un peu plus les promouvoir.

M.T. : Que répondez-vous au discours qui dit que « sans preuve de nocivité des produits, il n’y a aucun danger » ?

J.J : Les industries en connaissent la toxicité parce qu’ils sont enregistrés et évalués par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments. L’industrie joue sur certaines ambiguïtés. Celle entre danger et risque. L’un est les caractéristiques physico-chimiques de la molécule et l’autre, est le facteur d’exposition. Quand on dialogue avec l’industrie, elle va dire : « Ils ne se protègent pas assez et c’est pour ça qu’ils ont des risques liés aux pesticides ». L’entreprise ne prend pas sa responsabilité liée à la dangerosité du produit, elle la remet sur l’agriculteur.

« L’industrie joue sur certaines ambiguïtés, c’est entre danger et risque »

Jonas JACCARD

M.T. : Dans la loi européenne, les pays exportateurs sont censés accompagner les pays importateurs dans l’utilisation de leurs produits. Vous dites que ça ne se fait pas en réalité ?

J.J. : Dans la convention de Rotterdam, il est stipulé qu’il y a effectivement des notifications pour les exportations, donc le pays importateur doit donner son autorisation […] c’est-à-dire que théoriquement le pays a le droit de dire non. La convention est censée favoriser l’échange d’informations auprès des produits qui sont considérés comme dangereux. […] Les pays exportateurs, souvent les plus riches sont censé donner une aide et un appui financier pour favoriser le réseau d’informations et que le choix d’importer un produit soit fait en pleine conscience. Sur le terrain, il y a quand même un grave manque de ressources humaines dans des pays comme la République Démocratique du Congo, par exemple, où il y a deux-trois personnes dans le pays pour gérer l’ensemble des dossiers de demande d’importations de plusieurs centaines de pages. Des dossiers extrêmement compliqués qui ne sont pas forcément dans leur langue maternelle. Il y a vraiment une iniquité dans ce processus.

C.O : Comment les lobbys s’impliquent-ils au quotidien ?

J.J. : Dans la vraie vie, Syngenta est en compétition avec Bayer pour s’assurer des marchés. A Bruxelles, elles sont amies et regroupées sous des lobbys. En Belgique et au Luxembourg, ce sont Belplant et Essencia qui défendent de concert les intérêts des firmes agrochimiques […]. Pour cet arrêté royal, SOS FAIM a participé à un conseil d’avis, l’industrie était là pour faire valoir ses intérêts et défendre bec et ongles ce en quoi ils croient.

C.O, :  Ne défendez-vous pas vos intérêts pour avoir du financement ?

J.J. : Si on fait du travail de plaidoyer pour avoir plus de financement ? Absolument pas [rires]. Pour cet arrêté royal, on travaille avec la ministre de l’Environnement et un peu avec le ministre de l’Agriculture, aucun n’est notre ministre de tutelle. Par contre, nous faisons aussi valoir nos intérêts auprès de processus décisionnels. A la une nuance majeure et subtile qu’eux font du lobbying pour des intérêts privés, nous faisons du plaidoyer pour des intérêts de la société civile. Nous sommes rémunérés par de l’argent public.

M.T. : Avez-vous encore quelque chose à rajouter ?

J.J. : Cela pose juste question avec notre rapport à ça et les dégâts des pesticides sur l’environnement sont connus, reconnus en disant qu’il y a un consensus scientifique. Je trouve ça quand même assez déplorable qu’on en soit encore à batailler pour quelques petits produits alors qu’en fait il faudrait accélérer à vitesse grand V pour répondre aux enjeux dérogeant à la biodiversité.◘

Croissance mortelle

La courbe de mortalité et de dégradation de l’environnement suit celle de la production.

477 milliards d’euros de chiffres d’affaire de l’exportation des pesticides de l’Union Européenne en 2020, soit 35% de plus qu’en 2016 quand la Belgique est premier exportateur européen de pesticides interdits, avec 41 000 tonnes dont des néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles ». La dépendance actuelle aux pesticides en est le facteur.

Les lobbys incitent les gouvernements et institutions aux intérêts économiques. L’allemande Bayer a ainsi rallié son gouvernement après son acquisition de Monsanto contre 59 milliards d’euros en 2016. Or, Roundup, nom commercial du glyphosate est le produit phare de Monsanto. Cancérigène, le glyphosate reste en vente par intérêt économique.

11 000 décès

Depuis les années 60, les multinationales clament de doubler la production alimentaire pour nourrir la population mondiale. Ce modèle économique productiviste crée la dépendance aux engrais chimiques. Jusque-là, 821 millions d’humains souffrent de faim. En plus de l’impact environnemental et les 11 000 morts par an dans des pays importateurs.

Des alternatives durables existent pourtant. « La production alimentaire mondiale est environ 1,5 fois supérieure aux besoins alimentaires des 8 milliards d’êtres humains. », écrit Supporterres, le magazine de Sos Faim de mars 2023. Mais lespolitiques commerciales et taxes import-export haussent les prix des produits agricoles, selon Sos Faim.

C. OBAMA

Totaux en KG des pesticides bannis en UE de la Belgique. Chiffres SPF Santé Publique – Image : M.T.

Export de pesticides bannis : la Belgique veut étendre l’interdiction hors UE

Prochainement, Zakia Khattabi soumettra un projet d’arrêté royal sur l’interdiction d’exportation des pesticides hors de l’UE. Ce texte devra être validé par le Conseil des ministres et le Conseil d’État en vue d’une publication au Moniteur belge, espérée avant la fin de la législature fédérale de 2024.

La Belgique emboîtera-t-elle le pas à la France et légiférera-t-elle sur l’exportation des pesticides prohibés dans l’Union européenne ? Actuellement, le projet sur l’export ban est discuté en interne à la suite de l’avis favorable de la Commission européenne, le 2 mars 2023. Celui-ci doit être présenté devant le Conseil des ministres, mi-avril. Selon une source proche du Cabinet Khattabi, certaines modifications pourraient encore y être apportées. Différents organes de la société civile ont suggéré des propositions quant à ce projet d’arrêté royal repris dans un avis commun du 27 mars 2023.

Un plan bidirectionnel

« On espère que nos autres partenaires fédéraux seront favorables, sachant que les ministres de l’Économie et de la Santé le sont déjà. »

Le texte est validé

• Il est ensuite envoyé au Conseil d’État qui rend son commentaire le mois suivant
• Il est directement intégré à la version du projet ou non (en justifiant le pourquoi)
• Les ministres Zakia Khattabi (ECOLO) et Frank Vandenbroucke (Vooruit) cosignent l’arrêté royal pour publication au Moniteur belge.

L’échéance de l’entrée en vigueur de la loi fait toujours débat. Elle est annoncée à trois mois, la société civile en demande trois de plus et les industries quinze.

Le texte est refusé

 « Nous avons notifié le Conseil de l’Europe pour nous assurer que nous n’enfreignons pas à la directive européenne. »

L’étape ultime pour le Cabinet Khattabi sera d’interpeller la C.E. jugée « lente à réagir » par la société civile. En 2024, année électorale, la Belgique prendra aussi la présidence du Conseil européen. Une opportunité, selon les Verts, d’être pionnière dans le débat des exports, forte de son arrêt royal si ce dernier est amendé.

La notification PIC dans la ligne de mire

Le futur texte a pour but de stopper un commerce à deux vitesses. L’UE interdit la mise sur le marché de plusieurs pesticides et de substances actives, mais pas leur production ni l’exportation vers des pays importateurs. Ce commerce, bien légal, est jugé « éthiquement insupportable » selon la ministre de l’Environnement. L’arrêté vise la fin des notifications Prior Informed Consent ou l’envoi de produits interdits hors de l’UE.
Le SPF Santé Publique recense une vingtaine de pesticides exportés (sur les 207 prohibés en UE). Cette liste serait la référence pour l’arrêté royal avec des mises à jour de données, au minimum tous les deux ans.

M. THOMAS, E. NAÔMÉ.

Pictogrammes d'étiquetage des produits chimiques (nouvelle génération). © Antoine2K | Getty Images

L’export ban: la fin de l’effet boomerang ?

La Belgique deviendra-t-elle l’exemple dans l’interdiction d’exporter des pesticides dangereux ? C’est ce que défendent les Ministres fédéraux de L’Environnement et de la Santé via leur projet d’arrêté royal sur la fin de ces exportations légales hors UE.

Si l’utilisation dans l’UE est proscrite, l’exportation ne l’est pas. La société civile et les ONG appellent la Commission Européenne à statuer sur l’exportation à l’instar de la France, de l’Allemagne et maintenant, de la Belgique avant 2024. Les exportateurs s’y opposent, pour défendre leurs intérêts économiques et l’emploi : 477 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020 des exportations de l’UE, 41 000 tonnes de la Belgique.

20 pesticides « belges » interdits de commercialisation en UE se retrouvent quand même dans nos assiettes, en plus d’impacter la santé des agriculteurs, de la faune et la flore à l’autre côté du globe. Les bananes que nous importons des Philippines, sont cultivées et aspergées de carbendazime, un fongicide toxique pour les poissons.

Découvrir le dossier [1], [2], [3]

Célestin OBAMA et Manon THOMAS | En collaboration avec l’Ecole de Journalisme de Louvain

Quand les signes chantent

Récemment sur la scène de Rendez-vous Grand Place le vendredi 29 septembre, Noa Moon a dévoilé la chorégraphie identique à son tout nouveau clip Alive (paru sur l’album Azurite, 2017). En ligne depuis le 22 septembre, le vidéoclip comptabilise près de 3.400 vues. L’originalité du clip est son accessibilité pour personnes sourdes et malentendantes. L’histoire, en plus d’être chantée, est traduite en langue des signes. Cette pratique reste encore occasionnelle, même si la présence de chansons traduites sur Internet est de plus en plus manifeste.

Visionner un clip est devenu un geste quotidien. D’un simple clic sur la toile ou sur une chaîne spéciale, les images défilent sur l’écran et la musique est fluide. Jusque-là, il n’y a rien bien neuf… À y réfléchir, on ne fait pas que regarder les images, on écoute bien évidemment la chanson. Mais, comment l’écouter quand on ne peut pas l’entendre ? Ce défi, Noa Moon le relève avec la sortie du clip d’Alive et vient ouvrir le répertoire belge vers le monde de la surdité.

L’envie d’ouverture

Le vidéoclip de Noa Moon a pu naître grâce à un travail d’équipe. C’est avec l’aide de Marie Couratin de l’ASBL APEDAF (Association des Parents Déficients Auditifs Francophones) et d’Alice Leidensdorf, youtubeuse et administratrice de la page Les Signes Font du Bruit (LSFB), que ce projet artistique a pu aboutir.

C’est le résultat d’une collaboration étroite entre les trois femmes. Marie Couratin, qui travaille pour l’aide pédagogique à l’APEDAF, a rencontré Noa Moon en 2016 via des amis communs. C’est par son travail et par son passé de choriste que lui est venue l’idée d’un premier projet : la création d’une brochure sur la musique et la surdité.  En parallèle, Marie a parlé de son envie d’adapter l’intégralité d’un concert à Noa Moon en chant signé. L’artiste continue toujours de s’investir dans le milieu des associations ou dans des démarches qui la touchent. À l’époque, l’artiste préparait son deuxième album.

Marie Couratin nous détaille comment l’éclosion du clip Alive, après un long moment de réflexion, est venue : « (…) On commence à y réfléchir et puis Noa Moon me dit que sa maison de disque lui demande de faire un clip, et je trouve qu’en lien avec le concert qui se prépare, Manon me dit qu’elle en a marre de faire de la musique pour « elle toute seule » et elle était assez ouverte à ce milieu de la surdité, pas pour faire bon genre de signer, c’était vraiment une envie d’ouverture vers le monde des sourds. Donc, elle m’a contacté et fait part de son envie de mettre quelques signes dans son clip. Je lui ai dit : « Dis, tu ne voudrais pas carrément tout ton clip en chant signes ? ». Alors, je ne suis ni interprète ni « chant signeuse » et je lui ai proposé de contacter Alice que je ne connaissais pas du tout et la collaboration a commencé comme ça ».

Pour la chanteuse, Alive dépasse l’unique ambition du clip promotionnel, c’est une main tendue vers ceux qui ressentent la musique autrement. C’est aussi une manière de sensibiliser le monde des entendants à une autre perception de la musique, et plus largement, à la perception de la surdité par les personnes entendantes. Noa Moon s’explique : « Je trouve qu’on n’en parle pas nécessairement énormément, la surdité est quelque chose d’assez discret dans le monde du handicap même si je me trompe peut-être (…), je pense que cela se voit forcément moins. Du coup, ce n’est pas pour cela que ça n’a pas besoin d’autant d’investissement dans la visibilité et l’aide pour ces personnes. Enfin de l’aide, je ne suis pas en train d’apporter de l’aide, mais d’essayer d’apporter une ouverture en fait à ce monde-là ».  Son impression est que l’effort d’adaptation est univoque, « ce sont les sourds qui doivent d’adapter au monde des entendants. Tout cela m’a touché et je me suis dit qu’on allait essayer de faire dans l’autre sens. (…) À mes yeux, c’était tout aussi chouette que de faire des photos pour une campagne de sensibilisation. C’est encore plus chouette de faire un clip et de se dire : « tiens, on fait quelque chose de durable qui va pouvoir rester un minimum sur Internet. ».

La poésie du geste pour parole

@ RTBF/auvio - Capture d'écran
Marie Couratin et Noa Moon sur la scène du « Rendez-vous Grand Place », 29 septembre 2017. © RTBF/Auvio – Capture d’écran

Apprendre la langue des signes ne s’improvise pas. Il a fallu quelques semaines à Noa Moon pour apprivoiser ce nouveau langage dont la technique est très expressive. « C’est très difficile en quelques sessions d’apprendre à signer avec les émotions et les expressions du visage. Ça m’a déjà demandé énormément de travail d’être aussi « lisible » au niveau de mon visage, et je sais que j’aurai pu faire encore mieux. (…) L’expression aurait encore pu être travaillée… Marie, se débrouille bien évidemment, mieux que moi », confie Noa Moon.

C’est grâce à Alice Leidensdorf que le texte a pu être traduit en signes. Contactée par Marie pour prendre part au projet, elle craignait que le clip ne reprenne que quelques signes pour l’esthétique de l’exercice plutôt que la réelle accessibilité envers les personnes sourdes. Elle s’est très vite rendue compte que ce n’était pas le cas, « Mais finalement, j’ai vu que Manon était très ouverte et motivée pour que ce soit vraiment un projet qui ait du sens pour les sourds. Elle était prête à apprendre toute la chanson. C’est comme ça que par après nous avons travaillé ensemble sur l’interprétation de la chanson ».

L’interprétation reste, la dimension la plus délicate dans cette traduction spécifique. Alice nous développe la principale difficulté  : « Comme la langue des signes est très visuelle, elle permet également d’aboutir plus facilement au sens même du message. J’ai voulu que l’interprétation parte vraiment ce qu’elle voulait faire passer comme message avec sa chanson à elle, et pas que ce soit une interprétation avec ce que je pensais comprendre, moi, de sa chanson. Du coup, le résultat repose sur un vrai échange entre Manon et moi, avec l’aide de Marie. Après elles se sont entraînées à signer la chanson, en essayant d’être plus expressives, avant le tournage, et voilà le résultat. Manon a aussi veillé à ce que les signes ne soient pas coupés dans le montage ou dans la manière de filmer, ce qui est vraiment chouette ».

La particularité de la traduction

À l’écran Noa Moon, accompagnée de danseurs, expose les paroles sous-titrées en anglais à travers la gestuelle officielle de la Langue des signes francophone de Belgique (LSBF). Par le chant dit signé, la chanson est à la portée de ceux qui ne peuvent pas ouïr. Et plus surprenant encore, elle l’est aussi pour les entendants, car la langue des signes peut être décodée grâce à ces sous-titres. L’ouverture devient double et réciproque.

Pour Alive, la chanson a d’abord été traduite en français, avant de l’être une seconde fois en langue des signes. Choix étonnant puisque l’on sait que la langue des signes n’est pas universelle, pour exemple, la langue française n’est pas signée de la même façon en France, en Belgique ou au Québec, même s’il existe des ressemblances entre les signes.

Noa Moon et Marie Couratin se rejoignent sur la même raison : la situation géographique de l’artiste. Noa Moon nous explique pourquoi il a fallu poser un choix malgré une réflexion autour de la question : « quand je me suis rendue compte avec Marie et Alice qu’on ne traduisait pas universellement, je me suis demandé quel parti je devais prendre. Après, ayant les pieds sur terre et sachant que ma musique tourne principalement en Belgique, (…), je me suis dit que j’allais traduire avec la personne avec qui je travaille, et c’était Alice, et on est en Belgique. J’espère que ça va sortir plus loin, mais Alive, était quand même en anglais, de base. On a donc traduit le texte anglais en phrase en français et, à partir de là, Alice a interprété. Ce que je voulais traduire c’est une histoire et pas des mots en particulier. C’est pour ça que les sourds et les malentendants vont pouvoir traduire les signes et si, ils se posent des questions, il y aura les sous-titres ».

Elle espère une large diffusion de ce genre d’initiative : « Je me dis que c’est la démarche qui est intéressante et qu’il n’est pas possible que d’autres personnes sourdes d’autres pays ne voient pas du tout où ça veut aller en langues des signes. Elles sont assez communes, et peut-être que je m’avance, mais pour avoir regarder quelques vidéos sur la différence des signes ça va quand même très vite. J’espère qu’il y aura une portée en dehors de la Belgique aussi. Sur le net, il y a quand même des vidéos avec des gens qui signent des chansons ou qui traduisent. Du coup, le plus chouette serait de voir que ça se traduit dans d’autres pays et que le clip tourne ».

Le message est lancé, à bon-ne entendeur-euse … et bon-nne signeur-euse.

Exemples de chansons francophones exclusivement signées connues,

  • Savoir Aimer – Florent Pagny, 1998
  • Je Vole – Louane, 2015
    … et bien d’autres (n’hésitez pas à nous le faire savoir).

La rentrée de Sarina Cohn

Pour notre premier numéro, nous avons rencontré Sarina Cohn. La jeune femme de 23 ans donne des cours de chant à Louvain-la-Neuve ou Bruxelles. Dans l’échange, elle nous explique comment chanter de façon saine pour préserver sa voix. Nous vous invitons à écouter le podcast.

Sa page officielle : Sarina Music

© Sarina (Official)
© Sarina (Official)

Retranscription 

M.T. : Bonjour à toutes et tous.
Bienvenue pour ce premier numéro de notre chronique. Septembre est souvent synonyme de rentrée pour tout le monde. C’est aussi le cas pour notre invitée, Sarina Cohn, professeure de chant.

S.C. : « Je vais me présenter déjà, je m’appelle Sarina Cohn, j’ai 23 ans presque et je suis chanteuse à la base lyrique. »

M.T. : Mais pas seulement, l’artiste chante ses propres compositions et réalise des covers, autrement dit, des reprises, en passant de la musique celtique à Adèle. Sarina pratique le chant et la musique depuis ses 5 ans. C’est avec sa grand-mère que tout a démarré. Elle nous explique en quoi, c’est important pour elle, aujourd’hui d’enseigner.

S.C. : « En fait mon but, c’est de faire, d’abord le lien entre la musique lyrique et les autres types de musique. Et aussi, le fait que la musique, c’est vraiment quelque chose qui peut être utilisé. Cela peut être faire de la musique pour faire de la musique, ce qui est génial ou utiliser pour développer d’autres choses. En fait, c’est comme « travailler en s’amusant », c’est « siffler en travaillant » de Blanche Neige. Je n’aime pas du tout cette chanson, mais j’aime bien ce proverbe là ».

M.T. : Sa méthode d’apprentissage se base sur une méthode bien particulière 

S.C. : « Alors moi, ce que j’essaie en fait, le point commun à tous mes cours, c’est de proposer une technique vocale qui soit saine, qui va permettre de chanter sans stress, en se faisant plaisir et sans se faire mal surtout – M.T. : « Sans se faire mal ? C’est-à-dire ? » – C’est-à-dire que quand beaucoup de gens chantent, ils ont mal à la gorge après parce qu’ils font travailler beaucoup beaucoup beaucoup leur cordes vocales ». 

M.T. : C’est le corps tout entier qui devient votre instrument

S.C. : « Ce que j’essaie de montrer à mes élèves, c’est, en fait, les cordes vocales n’ont rien à voir avec le chant. Elles vibrent à cause ou plutôt grâce à l’air qui passe, mais qui vient de notre ventre, qui vient de notre diaphragme, qui remonte, qui remonte, qui remonte et qui sort. C’est ça qui crée le son. Alors on peut chanter Withney Houston « I will Always Love You » (1992) avec cette technique là donc on peut chanter fort, avec de la force, avec du peps, mais on ne va pas se faire mal, on ne va pas tuer sa gorge ni se retrouver avec des nodules parce qu’on a trop forcé sur son larynx ».

M.T. : Donc le chant, c’est une histoire de respiration ?

S.C. : « C’est une histoire de respiration. C’est un histoire de prise d’air et surtout d’expulsion d’air. En chant classique, on dit « chanter sur le souffle », en fait. Il est toujours là, c’est lui qui permet de servir de base à notre chant ».

M.T. : Est-ce que tu pourrais nous faire, par exemple une petite démonstration simple pour que les auditeurs entendent, concrètement, ce que c’est ?

S.C. : « Alors, c’est une chanson qui s’appelle « Riverside » que peut-être, beaucoup de gens connaissent parce qu’elle a été reprise par Agnes Obel, il y a quelques années. J’aime beaucoup cette chanson, je la chante beaucoup en concert ».

EXTRAIT 1

M.T. : La prochaine question que je me posais, c’est : faut-il un bagage musical ?

S.C. : « Alors pas du tout, je vais donner un exemple, je le dis tout de suite. Je ne l’ai pas dit dans ma présentation. J’ai un peu joué sur l’arnaque… donc moi, je suis non-voyante et je fais le conservatoire dans les dernières années. J’ai jamais lu une seule partition de ma vie, j’ai un certificat de solfège, mais j’ai toujours tout fait à l’oreille… donc non, il ne faut pas de bagage musical. Je joue du piano, mais ce n’est pas nécessaire pour la personne de jouer d’un instrument. Si vous voulez venir avec votre guitare, il y a aucun soucis, il y a un piano chez moi, enfin un synthé. Donc non pas du tout, ça peut être aussi une occasion de découvrir justement la musique, découvrir comment on peut utiliser sa voix. Je donne un petit exemple : j’ai eu une comédienne, l’année dernière en cours. Son but n’était pas du tout de faire de la musique pour faire de la musique, de la grande musique, mais c’était de découvrir sa voix chantée. Parce qu’on a une voix parlée et une voix chantée. C’était aussi pour apprendre à poser sa voix et pour apprendre à mieux contrôler sa voix qu’elle utilise tout le temps, en fait. C’est valable pour les comédiens, les profs, les juristes … – M.T. : Les journalistes aussi d’ailleurs … – tout à fait les journalistes également (rires), je ne les ai pas encore eus en cours, pourquoi pas, peut-être un jour… ».

M.T. : Et le solfège comment l’appréhende-t-on ?

S.C. : « Le solfège peut s’appréhender avec son corps. Déjà, moi, je donne aussi même si ce n’est pas l’objet ici de ce cours, mais si besoin, même en cours de chant, je donne aussi des notions d’harmonie, des notions de solfège de base si la personne en a besoin. En fait, le solfège est quelque chose qui se ressent très fort dans le corps quand on ne peut pas l’appréhender, d’oreille pour ceux qui veulent le faire d’oreille, mais aussi, il y a moyen de battre la mesure *frappe dans les mains*, il y a moyen de savoir : ici, je suis en train de battre une mesure en quatre temps, je peux passer à des mesures en trois temps, en cinq temps, en six temps, en sept temps. Ce n’est pas très utile, mais c’est pour montrer qu’il y a moyen. Donc, comment faire battre la mesure à une personne ? Comment apprendre à une personne à jouer ou à chanter en rythme ? Cela s’apprend avec le corps, c’est le corps qui sent le rythme et le cerveau au travers du corps et ensuite, on peut jouer en rythme par exemple ».

M.T. : Vous l’avez donc compris, c’est un cours à partir de 7 ans et de tout niveau. Elle donne des cours à son domicile à Louvain-la-neuve et à Bruxelles.

L’accessibilité de tes cours ? Le prix, etc. Comment ça se passe concrètement avec toi, chez toi ?

S.C. : « Alors, je vais prendre le mot « accessibilité » dans les deux sens du terme, c’est-à-dire au niveau prix d’abord. Quand, je suis en cours particulier normal, je prends trente euros de l’heure, mais on peut choisir de prendre un cours de 45 minutes ou d’une demie-heure, ce qui va faire 20€/45 min et 15€/30 min. Pour les étudiants, le calcul peut se faire aussi, c’est 20€ de l’heure. Et après, je vais utiliser le mot « accessibilité » dans un autre sens. Vu que je suis non-voyante, je suis  évidemment plus sensible à tout ce qui est accessibilité aux PMR (Personnes à Mobilité Réduite), aux handicapés, etc. Il y a moyen de me contacter si jamais, c’est pour des raisons d’accessibilité pour que je me déplace aussi ». 

M.T. : En plus de donner des cours, Sarina Cohn est actuellement en préparation pour son tout premier album. En parallèle, elle recherche à se produire en concert. Si vous êtes intéressés de suivre Sarina Cohn, rendez-vous sur sa page officielle. Mais avant de nous quitter, voici encore un extrait a capella que l’artiste nous partage. Merci de votre écoute.

EXTRAIT 2.

Noa Moon : « Sparks est vraiment une chanson qui invite à s’écouter »

Cette interview est un peu particulière par sa formule, nous avons analysé, dans le cadre d’un travail universitaire, le single Sparks paru sur l’album Azurite, sorti le 21 avril dernier. Malgré les articles de presse, ou pour avoir écouté plus de 30 fois cette chanson … il nous manquait le point de vue de l’artiste, mais il nous fallait surtout la genèse autour de la création de Sparks. C’est par téléphone que nous avons eu cet entretien avec Manon Carvalho Coomans, alias Noa Moon.

Image : © Reflextor

Manon Thomas : Quelles ont été tes sources d’inspiration pour créer la chanson Sparks ? Est-ce aussi grâce à la mer du Nord comme tu l’avais déclaré dans plusieurs interviews?

Noa Moon : « Je ne sais plus où je l’ai composée celle-là…, en tout cas c’en est une des premières. Je crois que je l’ai composée chez moi … Mais, peu importe un petit peu, où j’écris les morceaux, il faut que je sois dans de bonnes conditions, c’est-à-dire : se sentir bien, avoir envie d’écrire ou ressentir quelque chose de bien précis pour pouvoir le retranscrire dans une chanson. Ce que j’expliquais dans les interviews : sur cet album, il y a eu beaucoup d’hésitations, beaucoup de recherches personnelles sur ce que je voulais raconter sur ce que j’avais à dire. Puis, il fallait que je parle de choses qui me parlent parce que, si je ne parle pas de quelque chose qui est lié à mon ressenti, je vais avoir du mal à le défendre sur scène. J’ai besoin d’être sincère et parler de chose que j’ai ressentie tout simplement ».

Prendre le temps pour cet album

« Ces deux ans d’écriture et d’enregistrement d’album ont été deux ans où je me suis posé énormément de questions avec des flottements. Je n’arrivais pas à savoir comment m’écouter. Sparks (NDLR: étincelles) parle de ça, de la capacité à savoir s’écouter. On m’a toujours dit d’écouter ma voix à l’intérieur. On a tous un espèce d’instinct où l’on sait que quand on doit faire quelque chose ou de ne pas le faire. Cette espèce de lutte entre l’ombre et la lumière que l’on peut avoir entre. Il y a des gens qui disent que, dans la vie, on décide de nourrir à côté ou l’autre, je ne pense pas que ce soit si noir et blanc justement. Cette lutte-là est parfois dure à vivre pour certains, et Sparks est vraiment une chanson qui invite à s’écouter. Dans chaque chose négative qui peut arriver dans une vie, on peut en apporter une positive cachée derrière. (…) Il y a tout le temps des choses à traverser ou à gravir et on en est capable. (…) je suis assez fort dans la métaphore ».

Considères-tu Sparks comme une chanson de rock ?

« Je ne sais pas du tout où elle se situe et je ne connais pas les critères « rock », mais je dirai que c’est plus de l’electro-pop et encore il y a un truc un peu « tribal » dans les percussions (…). J’avais envie d’une ambiance un peu plus jingle, plus directe. Il y a énormément de musiques du monde qui sont ultra directes, et où le rythme nous prend directement. Parfois, je trouve que c’est quand il y a le moins d’artistes autour que la musique va directement au coeur, comme dans la musique africaine que j’ai beaucoup écoutée. Parfois, il n’y a pas du tout d’arrangement, mais il y a une manière de faire des sons de la musique du monde, qui ont et un rythme et un son…. presqu’une note dans les percussions. C’est ce que j’ai voulu pour Sparks comme mouvement mélodique et rythmique. C’est parti d’un hasard aussi, car j’ai trouvé une partie rythmique déjà prête dans une banque de son, je n’ai eu qu’à la placer dans mon programme, Sparks a été articulée autour en fait. Par rapport à la démo originale d’ailleurs, il y a beaucoup moins de claviers que dans la version de l’album. Le rythme me permet d’avoir des tableaux des chansons et, en fonction de cela, j’écris le texte sur ce que cela m’inspire ».

On sent que la chanson est une histoire …

« C’est une des rares chansons qui est un peu contée sur l’album comme Night Walk et Kaléidoscope. C’est une progression plus qu’un enchaînement de faits. C’est aussi ma manière d’exprimer les choses en général, mais de façon plus forte ».

Souvent, tu déclares ne pas te considérer comme musicienne, pourtant tu es à la base de la création. Peux-tu nous en dire plus ?

« Disons que je compose sans pour autant gérer des instruments, mise à part la guitare, mais pour le reste c’est un peu de l’expérimentation. Ce n’est pas comme si je prenais mon clavier et que je savais exactement ce que je voulais jouer, ou quel son je recherchais. Un musicien, c’est quelqu’un qui peut recevoir des demandes aussi, pas tous, ce n’est pas une caricature. Sur cet album, j’ai bossé avec un programme informatique dans lequel il y a une bande de sons. Du coup, il y a plein de sons différents. J’ai un clavier MIDI que je branche sur mon ordinateur. Mais, il y avait trop de sons, je ne savais pas quoi choisir. J’ai eu besoin de personnes qui pouvait amener mes compositions à quelque chose de plus musical et de plus précis en fait. En dehors, de la musicalité, il y a tout un côté technique que je ne gère pas. Parfois, je n’arrive à reproduire un son que j’entends sur d’autres disques que j’aime bien. Quels choix à faire aussi ? Quelle sorte d’instruments prendre ? Quel choix de synthés ? etc. Tout cela, je suis assez limitée, mais ce n’est pas un souci parce que, ce que j’aime c’est composer et trouver des mélodies. J’ai plus envie de dire que je suis mélodiste que musicienne et auteur parce que j’écris mes textes ».

Ne pas tout connaître de la musique préserve sa spontanéité artistique

« Je trouve ça génial aussi d’aller, de façon un peu maladroite, d’essayer des sons. Si tu connais trop aussi les sons, il y a des choses parfois moins folles qui peuvent sortir de la musique. Par exemple, quand je découvrais un son de clavier, j’essayais de mélanger avec le son de ma guitare électrique. Peut-être que quelqu’un m’aurait dit, avant, ça va être dégueulasse, ne le fais pas, et enlever le côté spontané. Il y a ce côté innocent qui est chouette aussi de faire de la musique sans tout connaître d’un point de vue technique ».

Tu trouves que ton album n’est pas assez engagé. Que sous-entends-tu par-là ?

« Je crois que c’est un mélange d’engagements artistique et personnel. Je me dis qu’il y a encore tellement d’injustice encore aujourd’hui pour lesquelles on peut se battre. Cela m’a toujours touché, moi, dans la musique. Surtout quand j’ai commencé à écouter de la musique, mais de manière un peu plus consciente quand j’étais adolescente. J’écoutais beaucoup de trucs sur la période Woodstock. Il y avait des idées, des choses à défendre. Je me suis toujours dit que si j’étais née dans ces années-là, ça m’aurait trop fait plaisir d’essayer de véhiculer des messages positifs ou d’essayer de faire bouger des idées. Aujourd’hui, je crois que j’en ai tout à fait les moyens et que je ne fais pas nécessairement. Que ce soit pour plein de causes différentes, car en 2017, il y a encore pas mal de choses à faire et il y a trop d’exemples ». (NDLR : pour rappel, Noa Moon a été la marraine d’Action Damien en 2014 au Congo et a participé aux Francofolies de Kinshasa).

As-tu quelque chose à rajouter ?

« Merci de m’avoir donnée la parole (…) et puis que l’album plaira au plus de monde possible« .

Noa Moon est disponible sur sa page Facebook et retrouvera le public aux Fêtes de la Musique à Bruxelles, le 24 juin, le 22 juillet aux Francofolies de Spa et le 5 août à Ronquières.